Agathe Bessard (skeleton) : « La tête en avant et sans carrosserie…»
Originaire de La Plagne, Agathe Bessard a préféré le skeleton au bobsleigh et à la luge. Avide de vitesse et d’adrénaline, elle s’élance donc la tête en bas, sans frein et sans volant avec des pointes de vitesse à plus de 130 km/h. En attendant de devenir peut-être la première Française aux Jeux dans sa discipline, elle nous raconte son parcours semé d’embûches…
Comment as-tu eu l’idée de te lancer dans cette discipline ?
Mon papa était directeur technique de la piste de La Plagne (1). J’ai passé énormément de temps près de la piste quand j’étais petite et c’est un sport qui m’a très vite attirée.
Pourquoi davantage le skeleton que le bobsleigh ou la luge ?
Les autres sports ne m’ont jamais vraiment attirée mais je ne pourrais pas vraiment l’expliquer. C’est l’image du skeleton qui m’a plu avec l’adrénaline, la vitesse, les sensations. Le fait de s’élancer la tête en avant et sans la moindre carrosserie autour de nous c’est quand même différent.
As-tu commencé par le skeleton ? Ou par un autre sport ?
En fait, j’ai débuté par le ski alpin au club parce que l’âge légal pour débuter le skeleton est de 14 ans.
Ah OK, c’est interdit au moins de 14 ans pour des raisons de sécurité ?
Oui, mais c’est une politique française. A l’étranger, ils peuvent faire du skeleton avant 14 ans.
Comment t’es-tu lancée à 14 ans ? Le club de La Plagne était structuré pour le skeleton ?
Pas vraiment. En fait, j’ai fait mes premières descentes avec une autre personne qui faisait du skeleton depuis quelques années. C’est lui qui m’a expliqué comment faire.
C’était un autre athlète ?
Oui, c’est ça. C’était un athlète du club mais il n’a jamais fait de haut niveau. Il a dû faire un peu de compétition il y a dix ans. Après, ce sont des responsables de section au club qui nous ont aidés à débuter. Et c’est parti comme ça.
Comment ça s’est passé ? Tu as progressé rapidement ?
Au début, on ne part pas d’en haut pour ne pas prendre trop de vitesse. Puis progressivement, on part de plus en plus haut. Au début, on apprend à piloter.
Crédit photo: IBSF
Et justement, peux-tu nous expliquer comment se pilote un skeleton quand on est sur le ventre avec la tête en bas ?
En fait, il y a plusieurs façons. En premier lieu, c’est avec la tête, puis il y a un pilotage plus important avec les épaules et les genoux, qui est un pilotage en diagonale. Si je veux aller à gauche, j’appuie avec mon genou gauche et enfin avec les pointes de pied qui vont servir aussi à orienter le skeleton…
L'été on travaille beaucoup la phase de poussée ...
J’imagine que comme au bobsleigh, la phase de poussée est déterminante ?
Oui, on court sur une distance de 20 mètres environ en tenant le skeleton au sol. C’est ce qu’on travaille beaucoup au cours de l’été en faisant de la musculation ou de l’athlétisme.
Et quand tu as débuté le skeleton, tu as tout de suite eu envie de faire du haut niveau ?
Au début, quand j’ai commencé, pas forcément. Puis de fil en aiguille, les entraîneurs étrangers qui viennent à La Plagne m’ont dit qu’il y avait les Jeux olympiques de la Jeunesse dans deux ans (en 2016) et que c’était un bel objectif. L’année suivante, ils ont lancé un circuit intitulé les Youth Series puis il y a eu des qualifications pour les Jeux Olympiques de la Jeunesse à Lillehammer. Je me suis qualifiée et j’ai obtenu la médaille de bronze.
J’imagine que c’est un beau souvenir…
Oui, jusque-là, c’est le meilleur souvenir de ma carrière. J’étais en pôle France à Moutiers à l’époque et je me suis retrouvée là-bas avec des copains du lycée. C’était vraiment sympa.
Depuis, tu as continué ta progression tout en poursuivant tes études…
Oui, c’est ça. Je suis étudiante en STAPS à Grenoble. Je suis dans une structure spéciale pour les sportifs de haut niveau. Il y a un présentiel qui nous est imposé à la fin de notre saison, c’est-à-dire d’avril à juin, globalement. Le reste de l’année, on organise notre travail comme on le souhaite. Donc pendant la saison, on fait vraiment comme on veut, comme on peut.
Peux-tu nous expliquer comment tu t’organises sur le plan de l’entraînement ? Ca ne doit pas facile d’être seule ?
Seule, oui et non. J’ai mon entraîneur qui est là pour me préparer et préparer mes plans. C’est une Lettone, Lelde Priedulena (2), qui me suit et qui est à ma charge. Je l’avais rencontrée lors d’un stage aux Etats-Unis quand elle était entraîneur pour la fédération internationale. Ca s’était vraiment très bien passée avec elle. Je lui avais déjà demandé de m’accompagner sur une coupe du monde à Sigulda il y a trois ans. Cet hiver, je lui ai fait une véritable proposition.
Tu dois donc la rétribuer alors que tu n’as aucun revenu ?
C’est une décision que j’ai prise avec mes parents pour cette saison olympique. La fédé m’a dit clairement qu’il n’y avait pas de budget pour l’engager en tant qu’entraîneur fédéral. Donc, soit je n’avais pas d’entraîneur du tout, soit je la prenais à ma charge. La fédé m’aide un peu mais c’est surtout le club de La Plage qui a fait un gros effort, les sponsors et c’est pour ça que j’ai lancé une cagnotte en ligne (3) qui a très bien marché.
Ah oui, quel a été le résultat ?
On a atteint 12 000 euros ce qui est vraiment génial. Quand on l’a lancée, on pensait qu’avec 10 000 euros, on serait vraiment content. C’est une grande satisfaction et ça me permet vraiment de voir ma saison de manière différente.
Et l’Agence Nationale du Sport ?
En fait l’agence choisit de financer des sports ou des athlètes qui sont médaillables aux Jeux. Elle leur permet d’avoir une préparation plus adaptée mais ceux qui sont un peu plus loin dans la hiérarchie de leur sport, ils ne peuvent pas bénéficier de ces aides. Moi, clairement, je ne suis pas médaillable dès cet hiver. On ne l’a jamais prétendu et on ne s’en cache pas. On ne veut pas vendre un objectif en sachant pertinemment qu’on ne l’atteindra pas.
Pour les Jeux, l'idée, c’est de faire du mieux qu’on peut pour être le plus performant possible.
Comment évalues-tu ta progression, le niveau que tu as aujourd’hui ?
On va dire qu’on progresse régulièrement mais on n’a pas du tout les mêmes moyens que les grosses nations. On est globalement satisfaits mais il y a encore beaucoup de travail. On va dire qu’on s’en sort pas mal.
Quels sont tes objectifs ?
L’objectif de la saison c’est de réussir à me qualifier pour les Jeux. Pour les Jeux, je ne donnerai pas d’objectif chiffré parce que c’est comme ça qu’on voit les choses avec mon nouvel entraîneur. Si je dis que je vise une place parmi les 15 premières, ça me limite à viser la 15e place. L’idée, c’est de faire du mieux qu’on peut pour être le plus performant possible.
Quels sont les critères pour la qualification aux Jeux ? Ce n’est pas très clair pour moi…
En fait, ce n’est pas si compliqué que ça. On prend tous les résultats de la saison jusqu’au 16 janvier. Chaque résultat rapporte un certain nombre de points en Coupe du Monde et un nombre de points un peu moins élevé en coupe d’Europe. Au 16 janvier, on prend les sept meilleurs résultats de la saison et les 25 meilleures de ce classement sont qualifiées pour les Jeux. Mais comme chaque pays a un quota de places, certaines filles du Top 25 seront éliminées. Si on prend le cas de l’Allemagne qui a quatre filles dans le Top 10. Comme elle n’a que trois places attribuées, il y aura plusieurs filles qui ne seront pas retenues. Je crois que deux nations ont trois places et quatre nations ont deux places. Tous les autres pays comme la France ont une place. C’est pour garder un côté international à la compétition olympique.
La coupe du monde de skeleton suit la coupe du monde de bobsleigh. As-tu des pistes préférées ?
Globalement, les pistes où il faut emmener beaucoup de vitesse, ce n’est pas trop pour moi. Je n’ai pas trop le gabarit idéal. Moi, je préfère les pistes plus techniques où le pilotage est déterminant comme Altenberg en Allemagne, Whistler au Canada ou Sigulda en Lettonie.
Crédit photo : Johann Groder/EXPA/PRESSE SPORTS
Et je crois que tu as eu la possibilité de tester la piste des Jeux de Pékin à Yanqing. Qu’en as-tu pensé ?
C’est une piste vraiment impressionnante en termes d’infrastructure. On sent qu’ils ont eu les moyens financiers de faire quelque chose de superbe. C’est très réussi. C’est une piste très longue, la plus longue du circuit, entièrement couverte d’un toit. C’est quelque chose de vraiment différent de ce qu’on a l’habitude de voir en Europe. Les virages sont très ouverts. C’est très intéressant en matière de pilotage.
Quelle est la part de poussée et de pilotage en skeleton ?
On a l’habitude de dire que c’est la règle des trois tiers, 1/3 de poussée, 1/3 de pilotage et un 1/3 de matériel. C’est vrai que sur certaine piste sans beaucoup de déclivité comme Igls (Innsbruck) si tu ne prends pas beaucoup de vitesse au départ, tu as beau être une excellente pilote, tu ne peux pas faire grand-chose. .
Question de béotien, est-ce un avantage d’avoir un poids de corps élevé?
C’est vrai en bob mais pas trop en skeleton parce que notre poids est très limité. En fait, la règle chez les dames est que le poids total tout équipée (chaussures, combinaison, skeleton) ne doit pas excéder 102 kg. Comme un skeleton pèse entre 30 et 38 kg cela veut dire qu’on ne peut pas trop dépasser 70 kg.
Ce n’est pas trop difficile de se maintenir au poids ?
Non, on peut se permettre des petits écarts.
Et pour finir quelle est l’histoire de la marmotte dessinée sur ton casque ?
Je porte une marmotte parce que c’est le symbole de nos montagnes et que c’est un animal que j’affectionne. C’est vrai aussi que je suis un grosse dormeuse…
(1) La piste de La Plagne a été construite pour les Jeux de 1992. Elle est ouverte à tous du 11 décembre au 30 avril et peut être dévalée par des néophytes en bob-raft, en speed luge ou en bob racing. Alain Bessard, le papa d’Agathe, a pris sa retraite l’an dernier.
(2) Lelde Priedulena, ancienne athlète lettone, est âgée de 28 ans. Elle a terminé 7e à PyeongChang en 2018 et avait été sacrée championne du monde juniors en 2016.
(3) La cagnotte en ligne a été lancée sur la plateforme « I believe in you ».
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