Kevin Rolland (ski freestyle) : « Je ne suis pas qu’un rider qui fait des pirouettes»

Kevin Rolland ski freestyle portrait porte drapeau

Kévin Rolland, porte drapeau Pékin 2022

Moins de trois ans après un accident qui aurait pu lui coûter la vie, Kevin Rolland a été choisi pour être le porte-drapeau de l’équipe de France à Pékin aux côtés de Tessa Worley. Plein d’enthousiasme et de passion, il est bien décidé à vivre pleinement cet événement et à partager son énergie et son expérience avec ses jeunes coéquipiers…

 

 

Comment as-tu ressenti le fait d’être choisi comme porte-drapeau de l’équipe de France olympique ?
Être porte drapeau c’est une énorme fierté. Jamais, je ne me serais attendu à représenter la délégation française aux Jeux Olympiques. Je suis heureux et super motivé pour booster cette équipe de France à aller chercher le plus de médailles possibles. Forcément c’est aussi une fierté personnelle après ce qui m’est arrivé, le fait de revenir après mon accident aux Jeux Olympiques et en tant que porte-drapeau, symboliquement c’est fort. Je vais essayer de ramener de l’énergie, de la positivité. J’ai connu la médaille mais j’ai aussi connu l’échec donc j’espère être de bon conseil et sinon les athlètes pourront compter sur mon soutien.   

 

Tu as signé un moyen-métrage titré « Résilience » (1) dans lequel tu racontes ta tentative de record du monde de hauteur en ski freestyle (10,67 m), l’accident dramatique du 30 avril 2019 et ta reconstruction. Quel a été ton travail sur ce film?
Franchement ça a été un petit peu tout. Du choix des images au choix de la musique. Ce n’est pas moi qui ai écrit toute l’histoire mais c’est moi qui ai construit une partie de l’histoire. Il y a des éléments que je voulais mettre en avant plutôt que d’autres. C’est moi qui ai choisi les parties de ski. Mais j’ai été impliqué dans le projet de A à Z.

 

Parfois on a peur, parfois on est content. Parfois on gagne, parfois on perd. Les choses se sont faites naturellement.

 

Parmi les choix que tu as faits, il y a celui de montrer des images assez dures voire intimes. Est-ce que tu as hésité sur ce que tu pouvais montrer ou pas ? 
Honnêtement, je n’ai pas hésité. Depuis toujours, depuis que je fais du ski, j’ai décidé de me mettre un peu à nu dans les vidéos. Je pensais vraiment que c’était en me mettant à nu, en montrant l’envers du décor de ce sport qui n’est pas très connu que j’allais pouvoir toucher les gens. Je voulais montrer que l’on n’est pas que des riders qui font des pirouettes. On a une vie. Parfois on a peur, parfois on est content. Parfois on gagne, parfois on perd. Les choses se sont faites naturellement. J’avais toutes ces images et je n’ai jamais eu la pudeur de vouloir cacher telle ou telle image. Bien sûr, j’ai montré tel ou tel aspect en accord avec mes proches, ma femme ou mes amis. Je ne montrerais pas quelqu’un s‘il n’avait pas envie d’apparaître. 

 

Parmi les personnages qui apparaissent brièvement dans le film, il y a ta grand-mère, coiffeuse à La Plagne. Pourtant je crois qu’elle a un rôle très important dans ton histoire…
Oui, c’est un peu grâce à elle que je suis sur des skis. Elle m’a mis sur des skis alors que j’avais deux ans. Elle est passionnée de ski depuis toujours. C’est elle qui a voulu venir habiter à la montagne alors qu’elle n’est pas du tout de la montagne à la base. Ça fait quarante ans qu’elle est à la Plagne. C’est elle qui m’a transmis cette passion du ski. C’est elle qui m’a poussé à fond pour faire du ski. C’est sûr que tout ce qui est m’arrivé dans le ski est parti de là.

 

Et c’est aussi la grand-mère de Tess Ledeux (2), ta cousine…
Oui, c’est ça…

 

Pressesports 116506 0006Peyongchang 2018 / PRESSESPORTS

 

Revenons-en à ce film et à ton accident d’avril 2019. Tu dis à un moment que si c’était à refaire tu ne le referais pas. Tu veux dire que le jeu n’en valait pas la chandelle ?
Non, cette phrase, elle est un peu hors contexte. La vérité est que cette tentative de record, je la referais si c’était possible mais d’une manière différente. C’est sûr qu’aujourd’hui, compte tenu de ce qui s’est passé, je ne pourrais pas me dire : allez, j’y retourne. Ce serait vraiment irrespectueux pour tous mes proches. Mais si on se replace dans le contexte, je le referais mais différemment. Ce n’est pas que le jeu n’en vaille pas la chandelle. C’est que j’ai des principes dans ma vie d’athlète depuis toujours et notamment de ne jamais placer l’événement ou l’enjeu de l’événement avant mes sensations.

Alors que là, j’ai fait l’inverse. Ce jour-là, je me suis dit il faut que ça marche. Je suis fatigué, j’ai mal aux jambes mais on y va quand même. Je savais que la météo n’était pas bonne pour le lendemain. Grosso modo, j’ai fait un peu n’importe quoi. Je me suis en quelque sorte trahi. J’ai trahi mes valeurs de sportif et je l’ai payé cash. Je pense que si j’avais respecté ma « charte », ça ne se serait pas fini comme ça.

 

Et pourquoi n’as-tu pas respecté cette « charte » ? Tu voulais t’élancer pour de mauvaises raisons ?
C’est un projet qui est vraiment né de mes tripes. Ça n’a pas été facile à monter. Il a fallu trouver des partenaires, créer cet événement de A à Z. J’ai vraiment pris part à tout, le shape du pipe (3), le financement, la production des images, la préparation sportive bien sûr. C’’est vrai que quinze personnes étaient là pour tout mettre au point et c’est vrai que la météo était correcte ce jour-là mais pas pour les jours suivants. Je sentais que ce record était en train de m’échapper. Je voulais que ça marche ce jour-là et j’ai mal calculé mon business.

 

Le côté artistique du freestyle est passionnant.

 

C’est honnête de le dire. Ce qui est fou dans ta discipline, c’est le grand écart qu’il peut y avoir entre toutes les activités : de la recherche de sponsors, le tournage de vidéos dans la nature, concevoir le spectacle, l’aspect gymnique des figures et le côté très codifié des épreuves dans un halfpipe aux Jeux ou en coupe du monde. Est-ce que c’est ça qui te plaît ?
Oui, complètement. Le ski freestyle, à l’origine, il vient de la vidéo plus que de la compétition. C’est ce qui rend ce sport incroyable et cool. On ne fait pas que du slopestyle ou que du halfpipe. On peut faire un milliard de choses différentes. Le côté artistique est passionnant. On est à la fois des sportifs et des « artistes » parce qu’on peut créer. Si on a une idée derrière la tête, je ne sais pas, sauter par-dessus un télésiège par exemple ou traverser un mur de glace, on peut la réaliser grâce à une vidéo. Je trouve ça trop cool. C’est pareil pour la photo. En fait en ski freestyle, la compétition, c’est bien mais ça ne suffit pas. Si tu veux êtes un athlète reconnu, tu es obligé de faire des projets vidéo. Ce n’est pas toujours facile avec les programmes des entraînements et des compétitions mais j’ai toujours essayé de faire les deux.

 

Cela nous conduit vers les Jeux de Pékin. Que t’évoquent-ils toi qui n’était même pas sûr de pouvoir marcher à nouveau ?
Aller aux Jeux de Pékin, c’est déjà une victoire même si je n’aime pas dire ça. Je ne peux rien dire d’autre. Je repense à ce médecin qui était face à moi quand j’étais sur mon lit d’hôpital et qui m’a dit : « Eh bien cher monsieur, il va falloir penser à faire autre chose que du ski ! ». Là je suis aux Jeux Olympiques. Alors que j’ai d’abord essayé d’être une personne normale, puis d’être un skieur normal et enfin de redevenir un skieur professionnel. Aujourd’hui, j’ai été retenu pour les Jeux Olympiques et on peut dire que l’objectif est rempli. Même j’attends la cerise sur le gâteau…

 

Un drôle de gâteau chinois dans des conditions sanitaires strictes ! Quelles sont tes attentes ?
Mon premier objectif, c’est de me qualifier pour la finale. Honnêtement, c’est plus ça qui est stressant. J’en suis largement capable Il y a deux runs et on prend le meilleur. Il suffit d’un rien pour louper ces runs. Une fois en finale, je suis sûr qu’à ce moment-là tout est possible. Dans une compétition olympique, il y a beaucoup d’éléments qui entrent en jeu et l’expérience est un atout. Si je suis en finale, je peux vraiment me mettre à rêver.,  

 

Je suis un peu frustré du manque d’entraînement mais le ski est là ; je sais ce dont je suis capable.

 

Y a-t-il un « tricks » (4) que tu gardes dans ta manche pour cette éventuelle finale ?
Le problème est que je ne me suis pas autant entraîné que je l’aurais voulu. J’ai eu une petite blessure en début de saison puis une autre. Cela m’a empêché de bien me préparer. J’ai fait trois compétitions sans vraiment m’entraîner. Je me suis qualifié une fois pour la finale mais je n’ai pas pu vraiment m’exprimer. Ensuite j’ai eu le Covid, ce qui fait que je n’ai pas pu faire de compétition en janvier. Je suis un peu frustré du manque d’entraînement mais le ski est là ; je sais ce dont je suis capable. Les tricks je les maîtrise. Il y aura peut-être des nouvelles figures mais cela dépendra vraiment des conditions le jour de la compétition et de mon état d’esprit.   

 

On nous annonces des conditions délicates avec le froid et le vent ?
Le vent, en halfpipe, c’est ce qu’il y a de pire. Il faut savoir que les figures ou les prises d’élan, elles se jouent au centimètre près. Si on ne pousse pas assez, on se retrouve de l’autre côté du halfpipe et on tombe à plat. Et à l’inverse si on pousse trop, on retombe à l’intérieur du pipe. C’est délicat mais ce sera peut-être un de mes atouts. Je me souviens qu’à Sotchi, en 2014 (4), c’étaient les pires conditions que je n’avais jamais connues dans une compétition. C’était épouvantable. Il avait fallu s’adapter. Revoir les objectifs à la baisse et c’est comme ça qu’on fait une médaille. On aimerait réussir le run de sa vie aux Jeux Olympiques mais c’est rarement le cas.

 

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Kévin Rolland à Sotchi en 2014 / J. Prevost PRESSESPORTS

 

Est-ce qu’il y a quelque chose qui t’excite dans cette aventure olympique ? Toi qui es aujourd’hui le père de deux enfants ?
Il n’y a pas à chercher bien loin. Moi, quand je suis au départ du pipe je suis excité comme une puce. Ressentir cette adrénaline de la compétition, c’est toujours incroyable. Et la sensation d’être dans les airs, c’est toujours intense même si je fais ça tous les jours. J’adore skier, j’adore ce métier !

 

Et dans l’univers olympique, le drapeau, les anneaux, la cérémonie, les médailles. Est-ce que tout cela te fait vibrer ?
J’ai changé. Je me souviens qu’à Sotchi ou à PyeongChang, je n’avais pas envie de dépenser de l’énergie inutile. Je n’avais pas envie d’aller à la cérémonie ou de me déplacer pour voir les autres. Je voulais rester totalement focalisé sur ma propre compétition. Là, comme ce sont mes derniers Jeux Olympiques, j’ai vraiment envie de profiter de ces Jeux, de récupérer toute l’énergie que je pourrais trouver. J’ai envie de participer à fond, de rencontrer des athlètes et de discuter avec eux. Je trouve que c’est enrichissant d’échanger avec d’autres parce que chacun a des façons différentes de fonctionner sur le plan mental et je trouve que c’est enrichissant.

 

 

(1) Le film intitulé « Résilience » a été primé au festival « High Five » d’Annecy. D’une durée de 45 minutes, il est disponible à la demande sur l’appli Eurosport.

(2) Tess Ledeux, la jeune cousine de Kevin, est devenue la première femme à poser un 1260 en compétition sur un big air lors des X-Games 2022. Elle y a aussi obtenu deux médailles d’or en big air et en slopestyle.

 (3) "Shaper" un pipe signifie construire un pipe et lui donner la forme idéale pour y réussir des figures.

(4) Dans le jargon du freestyle, cela veut dire une figure

(5) Cette saison, Kevin a terminé 11e à Copper Mountain et 9e à Calgary.

(6) A Sotchi, Kevin avait obtenu la médaille de bronze en ski halfpipe.

Nos porte-drapeaux pour Pékin 2022

Tessa Worley, Kevin Rolland et Benjamin Daviet sont nos porte-drapeaux pour les Jeux Olympiques et Paralympiques d'hiver de Pékin 2022.

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